.: Ava Gardner :. Ava Gardner
Ava Gardner
Belles citations d'Ava Gardner
07 juin 2006

« L'amour se mesure à ce que l'on accepte de lui sacrifier. »
[ Ava Gardner ] - Extrait de ses Ava, Mémoires

« Nous les stars sommes la seule marchandise qui ait le droit de s'absenter, le soir, du magasin. »
[ Ava Gardner ]

« Une actrice ne s'appartient plus. Elle appartient à tous ceux qui la contemplent. »
[ Ava Gardner ]

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La beauté d'Ava Gardner
02 mai 2006

J'aime les hommes qui sont c'qui peuvent,
Assis sur le bord des fleuves.
Ils regardent s'en aller dans la mer
Les bouts de bois, les vieilles affaires,
La beauté d'Ava Gardner.

Ça met dans leurs yeux un air,
De savoir que tout va dans la mer,
La jeune fille adoucie des soirs de verre,
Les bateaux, les avions de guerre,
La beauté d'Ava Gardner.

Les murs écroulés du monde,
Filez, nos belles enfances blondes,
Edith, Nylon, les nageuses à l'envers,
Les odeurs dans les chemins de fer,
La beauté d'Ava Gardner.

J'aime les regretteurs d'hier
Qui trouvent que tout c'qu'on gagne, on l'perd,
Qui voudraient changer le sens des rivières,
Retrouver dans la lumière
La beauté d'Ava Gardner.

Retrouver les chose premières,
La beauté d'Ava Gardner...

Paroles de la chanson d'Alain Souchon

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Femme qui aimait les hommes
07 mars 2006

La beauté sublime d'Ava Gardner lui valut d'accéder au firmament des étoiles de Hollywood. Côté coeur, aussi, le destin d'Ava fut hors normes. Entre liberté et passions.

A Hollywood, au moins, l'amour avait de la gueule. Et police secours, une certaine utilité. Les scènes de ménage étaient inventives; les coups de feu, un sport en chambre; les injures, une seconde langue, que ponctuaient les cymbales aiguës des paires de claques.

Comtesse aux pieds nus, Pandora rétive, princesse déglinguée, soiffarde exquise, aristocrate paillarde, Ava Gardner, cauchemar de Nancy Sinatra, femme de Frank, d'une Amérique puritaine et des bouddhas de la Metro Goldwyn Mayer, n'en finit jamais d'aimer ceux qu'elle aimait. Elle fit verdir les femmes, transpirer les hommes. Et repoussa, de toutes ses forces, le bastingage des normes.

D'un début d'existence peu câlin (champs de coton et de tabac sudistes, noir pétrin de 1929, père mort trop tôt), Ava attendait un pourboire. Elle reçut un destin. Son instrument, talent scout à la MGM et margoulin, répondait au nom de Barney Duhan. Barney repéra une photo de la jeune fille et sonna le tocsin.

Un bout d'essai plus tard, Louis B. Mayer, rapace des studios, résuma l'impression générale: «Elle ne sait pas parler. Elle ne sait pas jouer. Elle est formidable.»

Ava, 19 ans, vint donc grossir un troupeau de starlettes bondé comme un bus indien. Mordit lorsqu'on entreprit de lui épiler les sourcils. Se gela les fesses en Bikini sur un glaçon géant pour les besoins d'un calendrier. Elle boucla la première semaine au pas de charge et rencontra le petit Mickey Rooney.

Ce dernier l'invita à dîner. Bridée par son éducation victorienne - «Si tu couches avec un homme avant le mariage, prépare ton cercueil», lui répétait sa mère - elle déclina l'invitation. Il persista. Elle déclina encore.

Alors, Mickey Rooney, aux pieds duquel se pâmaient tous les jupons bouffants des Etats-Unis, pilonna Ava de cadeaux somptueux, de billets doux et de bouquets ridicules. Il la présenta à Judy Garland, Lana Turner, Esther Williams, etc. La bassina, l'épuisa, exhuma de vieilles blagues. La supplia de l'épouser 20 fois en une soirée. C'était délectable. Elle accepta. Il la traîna chez Mme Rooney mère, qui s'arsouillait au Four Roses mais fit preuve d'une certaine lucidité: «Eh bien, ma petite, je suppose qu'il ne vous a toujours pas sautée?»

Ava qui détestait la langue de bois, l'adora d'emblée. Seul Louis B. Mayer couinait. Il voyait d'un sale oeil l'union d'une star maison avec une obscure starlette, fût-elle sublime. Mickey dut, par conséquent, payer de sa personne. Mayer et Rooney - champions hollywoodiens toutes catégories des larmes - entamèrent un match: l'acteur sanglota. Le patron se moucha. La scène fut dantesque. Rooney l'emporta au terme d'une énième jérémiade. La secrétaire de Mayer modela une énigmatique vacherie à la Tirésias: «On ne change pas les taches d'un léopard.» Et, le 10 janvier 1942, le mariage eut lieu sous contrat MGM. Mayer mit temporairement Ava au purgatoire, puis la confina dans diverses panouilles peu glorieuses. Des photos la montrent assise sur l'accoudoir du fauteuil club où Rooney s'épanouit; elle ne doit, en aucun cas, paraître plus grande que lui.

Clap sur une nuit de noces «vendue» comme la plus glamour de l'histoire des nuits de noces. Dans l'espoir de gagner du temps, Ava, vierge noire et rose fragile, siffle du Roederer. Au petit matin, Rooney part pour le green afin de lutiner... ses clubs de golf. «Pendant toute la lune de miel, raconte Ava, il se débarrassa du paquet, c'est-à-dire moi, entre les mains du publicitaire de la MGM.» Elle envisage de se noyer. Hélas! elle sait nager. Il s'enfuit chez les membres de son innombrable clan, creuse son ardoise au Mocambo, club huppé de L.A., reste en stand-by perpétuel avec sa garde rapprochée de bookmakers. Bref, vire au commun des chieurs.

Change-t-on les taches d'un léopard? Il jure de rentrer tôt. C'est-à-dire aux premières lueurs de l'aube. Fond pour n'importe quelle oeillade cirée au mascara. De son côté, Ava passe experte dans le dépeçage de canapé au couteau de cuisine. Opérée de l'appendicite, elle rentre pour relever, çà et là, les traces d'un Rouge Baiser qui ne lui appartient pas. Moins d'un an après la Marche nuptiale de Mendelssohn, elle obtient le divorce pour cruauté mentale. De bonnes âmes lui recommandent de siphonner la moitié des biens de Rooney. Elle réclame juste 2 500 dollars, la jouissance de ses bijoux et d'une guimbarde. De ses passions dévastatrices, Ava ne touchera jamais le moindre dividende.

Elle est comme elle est, Ava gardner. Honnête, fidèle, insoumise, insomniaque, magnétique, maligne, déjà fatale, belle à crever. Elle vit pour de vrai, méprise les faux-semblants, a tout vu, tout fréquenté, des gares de triage de Hollywood au désenchantement du métier. Personne ne l'a prise à Mickey Rooney. Il l'a perdue tout seul. Le coeur en charpie, Ava Gardner balade, pour 100 dollars la semaine, un regard de braise dans 17 mélos subalternes et idiots, dont La Du Barry était une dame. Peine dans le sillage de Lana Turner ou de Hedy Lamarr. Mais prend aussi de l'assurance et pension au Mocambo. Elle boit sec. Parle cru. Rit haut. Et doit contenir les pressantes avances des seigneurs de l'écran. John Huston tente-t-il de l'hypnotiser, au sens propre du terme? Elle plonge en vêtements de ville, de nuit, dans une piscine pour tenir à distance sa raide carcasse de bûcheron.

C'est la sarabande des cavaleurs, des puissants, des timbrés. Howard le fêlé (Howard Hughes) va surveiller, adorer, chouchouter, supplier, convoiter, empoisonner Ava Gardner pendant vingt ans. En pure perte, tranche-t-elle. On l'espère pour elle, vu la réputation du Texan. Antisémite, anti-Noirs, anticastriste, antimicrobes, corrupteur, impérieux, misanthrope, milliardaire, producteur, outrancier, paranoïaque et à demi sourd, Howard a conçu des soutiens-gorge pour Jane Russell, fréquenté Cary Grant et jeté sur une peau de bête toute la liste alphabétique des studios. De C comme Cyd Charisse à T comme Lana Turner, en passant par H comme Katharine Hepburn, un véritable amour, cette fois. «Il aurait baisé un arbre», estime Joan Crawford, une ex. On n'aurait trop su lui conseiller le tilleul, bien connu pour ses lénifiantes vertus. Lorsque Howard Hughes, qu'elle confond avec le cinéaste Howard Hawks, rencontre Ava, il entre en lévitation. Elle le juge doux, franc, plein d'égards. Il s'avérera franc comme un cobra.

Propriétaire de la TWA, Hughes tient un jet à la disposition de Gardner dès qu'elle lève le petit doigt. Big Brother en herbe et recordman du rapport - sexuel, financier, policier, qu'il fait établir en 18 exemplaires - il utilise aussi une armée de mormons et de quadruples espions pour la pister. C'est irrespirable. N'importe quoi. Fort Alamo. Il crève de désir. Force sa suite. Elle se rebelle. Lâche des salves d'insultes. Hughes dépêche alors l'ONU en la personne de Bappie, la soeur d'Ava. Et dégaine un coffret de bijoux signés Tiffany's.

Ava la tempête les flanque par la fenêtre. Toise l'olibrius, et passe invariablement l'éponge. Son divorce d'avec Mickey Rooney n'a pas sevré leur intimité. Tous deux ondulent encore des mambos au Mocambo, lampent des Niagara de whisky et finissent parfois la nuit ensemble. Animale, Ava aime le sexe et se laisse mener, par l'instant, par l'esprit de révolte et une inextinguible soif de liberté. Un soir de pleine lune, Hughes fonce chez elle, croyant la surprendre avec son ancien mari. Il la gifle. Elle l'assomme. Un coquart ombre la pommette de la star. Howard fait pénitence, puis rapplique comme si de rien n'était.

Entrée en piste d'Artie Shaw, 35 ans, célèbre pour ses interprétations de Cole Porter, chef d'orchestre, pionnier des droits raciaux - il fut le premier à recruter des Noirs au sein de sa formation - clarinettiste, cultivé, piètre cavalier (de l'avis général, une motte de terre dansait mieux) et moulin à paroles sexy et bronzé. Il brûle de posséder Ava, qu'il surnomme «Avala». Conquiert son coeur dès le premier soir. L'emmène en tournée. «J'ai adoré la vie avec Artie avant notre mariage», confie Ava Gardner. Dès leur voyage de noces au lac Tahoe, en effet, le ciel bleu se lézarde, la guerre sainte menace et les injures bavent.

Ava Gardner s'endort avec un mélomane ouvert et se réveille à côté d'un petit prof humiliant. «Quand on parle de Karl Marx, tu imagines toujours qu'il s'agit du quatrième frère», lui assène-t-il entre autres amabilités. Artie a dévoré Dostoïevski et Thomas Mann. Ava n'a jamais fréquenté qu'Autant en emporte le vent - roman de tout repos - la terre rouge de Tara et la jalousie hautaine de Scarlett O'Hara. Pour masquer ses lacunes, elle a en outre jugé utile de se rajeunir d'un an. Elle fait estimer son QI (il est excellent), s'inscrit à Ucla, l'université de Los Angeles, en cours d'économie, entame une psychanalyse, avale l'intégrale de Freud et se met aux échecs.

Juste retour des choses: Ava Gardner fiche une peignée à Artie, un mat d'anthologie. Très sportivement, il évitera désormais de jouer avec Ava. Elle achète Ambre, best-seller de Kathleen Winsor. Il affiche, à son habitude, une réaction généreuse et mesurée: «Que je te reprenne à lire pareille ânerie et c'est la porte.» Artie Shaw ignore encore qu'il convolera bientôt avec l'auteur de l'ânerie en question. Le divorce, ce vieux remake, est prononcé après un an et une semaine d'enfer. Ava Gardner hante alors les claques, avec Howard Duff, un flirt MGM, et les bras de Robert Taylor (L'Ile au complot), dont la liaison avec Barbara Stanwyck n'en finit pas de caler.

Entre-temps, le cinéma, qu'Ava Gardner a jusque-là traité avec désinvolture (à moins que ce ne soit l'inverse), se rachète avec Les Tueurs, chef-d'oeuvre noir de Robert Siodmak, d'après «papa» Hemingway. Les dithyrambes «rafalent». Le magazine Esquire bombarde Ava Gardner «Miss Garce 46». Dans l'obscurité d'une salle, un Rital, catholique, marié, père de trois enfants, proche de Bugsy Siegel et de Lucky Luciano, la dévore des yeux comme le loup de Tex Avery. Il a découvert Ava Gardner lorsqu'elle était encore Mme Rooney. Il en pince sérieux. Il pousse la chansonnette. S'appelle Frank Sinatra. Baptisé par Marlene Dietrich «la Rolls-Royce des hommes» et par le reste du monde «The Voice», Sinatra n'est pas au mieux de sa forme.

Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, en effet, l'intérêt pour le swing décline. Les actions de Frankie chéri aussi. Ava Gardner s'en moque. Ava Gardner retrouve Sinatra à New York pour la première des Hommes préfèrent les blondes - ce qui reste à prouver. Et succombe définitivement dans la touffeur de Palm Springs. Le couple gagne le désert. Frankie brandit un revolver et fait un carton sur les réverbères d'une ville assoupie. Leur liaison transpire. L'inénarrable Louis B. Mayer convoque Ava pour l'enguirlander au motif qu'on ne fréquente pas un homme marié. Vipérines, les gazettes embraient. Les ligues de vertu dézinguent «Gardner la salope». Elle plane.

Ils picolent. Ils s'adorent. Ils échangent des caresses et des noms d'oiseaux. Des lettres et des coups. C'est tout juste s'il ne faut pas hérisser leur chambre à coucher de sacs de sable. Ils s'épuisent en escarmouches puis se réconcilient par petites annonces. Coup de chapeau à ces deux dingues, à ces deux fous, à ces furieux. Ils sont jaloux; lui, de Howard Hughes, qui cafte sur d'éventuelles danseuses qu'entretiendrait Sinatra; elle, de ses prétendues «poufiasses». Au Copacabana de New York, où Frank se produit, le public réclame Ava. Il se raidit: «Prévenez-moi si je dérange.» La salle ne le lui pardonne pas. De retour à l'hôtel, Sinatra feint un suicide en tirant une série de coups de feu dans le matelas.

L'abandonnant à ses démons, Ava rallie Tossa de Mar (Espagne). S'en va ouvrir la boîte de Pandora. Mourir pour un fantôme hollandais. Doubler sa beauté d'un mythe éternel. La première phrase du film, énoncée par James Mason, sonne comme un aveu à un Frank qui est toujours l'époux de Nancy: «L'amour se mesure à ce qu'on sacrifie pour lui.» Une nuit de vague à l'âme, Ava se cabre en compagnie de l'acteur Mario Cabré, un paon, qui ripoline leur aventure d'une tapageuse publicité. Il l'abreuve de poèmes consternants, s'épanche dans les journaux. Laisse peser le doute, emploie le conditionnel. C'est indicatif.

«The Voice» donne de la voix. Fin de l'intermède Cabré. Show Boat - scandé par le blues d'Old Man River - propulse alors Ava dans les remous furieux du Mississippi. Et le divorce d'avec Nancy, arraché par Frankie le 31 octobre 1951, à Santa Monica, la lâche dans ceux d'une vie conjugale de plus en plus criarde. Ava Gardner exige d'être présentée à sa belle-mère. Brouillé avec ses parents, Frank redoute le pire: à tort. Les deux femmes, qui votent démocrates, tiennent Sinatra pour le meilleur chanteur du monde et jurent comme dix charretiers, ne sortiront jamais les colts.

«No english» «No español»

La lune de miel se joue dans les tripots du Cuba de Batista. Frank a la tête ailleurs. Il intrigue pour arracher le rôle qui le remettrait dans la course, le Maggio de Tant qu'il y aura des hommes, classique surestimé du baiser salé et du duel au couteau. De son côté, Ava Gardner, qui a obtenu de Harry Cohn, producteur à la Columbia, des essais pour Sinatra, glisse sur Les Neiges du Kilimandjaro. Frank lui a concédé dix jours, pas un de plus. Au onzième, Ava Gardner se débat encore entre la guerre civile espagnole, des milliers de figurants, des brancards, des pétards et le réalisateur Henry King. Elle essuie par conséquent une scène historique. Ceci vaut-il cela? Avis ronchonnant de Hemingway, l'auteur du roman: «Ava, les deux réussites du film, ce sont vous... et la hyène.»

Sinatra se coule dans la peau, les galons et les ennuis de Maggio. Se pinte, la nuit, en compagnie de Burt Lancaster. Décroche un oscar du second rôle. Ava Gardner, elle, enchaîne avec la savane africaine, les charges de rhinocéros, la révolte de la tribu des Mau-Mau, autrement dit la sympathique épreuve de Mogambo. Il pleut du feu. Le bourbon sert d'antiseptique. Clark Gable reluque Grace Kelly. John Ford est odieux. Sinatra se pointe, un diamant dans la poche. Il l'a payé avec une carte de crédit estampillée Gardner. Ava s'en fiche: elle attend un enfant.

Malgré les sérénades d'un Frank Sinatra sincèrement ému, Ava Gardner choisit de ne pas le garder. Une tristesse douce anime son sourire: elle est née pessimiste, elle le restera. Ford s'humanise. Gable encourage Ava. L'académie des oscars nomine enfin l'actrice. Perchée sur son scooter de Vacances romaines, Audrey Hepburn rafle la mise. Ava Gardner ne se formalise pas. Elle aime si peu le cinéma... Au téléphone, Frankie, ce faux jeton, lui annonce qu'il batifole avec une autre. L'usure a eu raison des sales gosses. C'est l'heure des avocats, des gros titres, du divorce. Ava souffre. Sinatra organise la veillée «mortuaire» de leur amour. Découpe aux ciseaux les photos de Gardner. Puis reconstitue le puzzle en catastrophe: «Son nez, vous n'auriez pas vu son nez?»

Son nez, non. Mais le marbre blanc où elle sculpte sa légende, oui. Joseph Mankiewicz comprend enfin qu'il faut faire des films non plus avec Ava Gardner mais sur Ava Gardner. Il la sertit donc dans le rôle sacrificiel d'une femme libre, les allées d'un cimetière italien planté de cyprès et de statues, dans un chef-d'oeuvre funèbre: La Comtesse aux pieds nus. Bacall surveille Bogart de (très) près. Mankiewicz filme un dictionnaire de l'inconscient. Ava, muée en Maria Vargas, joue son existence. L'éclipse de ses jours, la chaleur de ses nuits. Dans l'Espagne franquiste, où campe le tournage, elle éperonne un mythe, le torero Luis Miguel Dominguin.

Il a 4 ans de moins qu'elle. Ils se plaisent au premier regard. Echangent des serments vitaux: «No english», ânonne-t-il. «No español», réplique- t-elle. Excellentes prémices. Au commencement de leur liaison, Dominguin se lève, s'habille et enjambe la fenêtre. «Peut-on savoir où tu vas?» se renseigne Ava. «Raconter ça aux copains...» Ce n'est pas de la muflerie, c'est de l'orgueil, sentiment somme toute humain. Hélas pour eux, Howard Hughes, reclus dans sa suite de Las Vegas, guette par télex interposé. Il renifle en Dominguin un curieux mélange «de Don Juan et de Hamlet», le déteste d'emblée. Fait baisser son principal revenu, les cours du café. Le torero renonce; il épousera la comédienne Lucia Bosè.

Le monde étant petit, minuscule même, Ava se console avec un ancien fiancé de Lucia, l'Italien Walter Chiari. Puis se perd dans la verroterie Technicolor du Soleil se lève aussi. Elle a tatoué de son sang trop de mètres de pellicule. Vu trop de brumes au petit matin. Braqué trop de canons sur la bienséance et les compromis de l'existence. Elle a effrayé par sa beauté. Elle a été effrayée par le désir qu'elle suscitait. Elle boit trop de whisky. Mais frotte encore ses ecchymoses à des personnages crépusculaires, dont la patronne mûrissante d'un hôtel mexicain (La Nuit de l'iguane, d'après Tennessee Williams).

John Huston, le metteur en scène, celui qui lui courut après autour d'une piscine, soigne son entrée en matière. Il offre à ses comédiens - Richard Burton, Deborah Kerr, Sue Lyon - un Derringer et une balle en plaqué or gravée à leur nom. Le soleil pèse. L'électricité manque. Des types rôdent. Ava se chiffonne, se dessine des cernes, s'éteint le charme. Elle sert le sujet au lieu de s'en servir, ne se résout pas à faire semblant. Sur le plateau de La Bible (Huston toujours), elle éprouve une faiblesse coupable pour Abraham, George C. Scott, qui écluse et la bat. Elle économise son mépris. Il la prend en haine. Huston paie des mafiosi pour éviter le massacre. Allez savoir pourquoi, tout cela n'est plus si drôle.

Les années fuient. Ava Gardner quitte Madrid, qui lui réclame un arriéré astronomique d'impôts, et le voisinage encombrant de l'Argentin Juan Peron, pour l'anonymat de Londres. Le présent pour les souvenirs. La proie - mais quelle proie? - pour l'ombre. Elle accorde des entretiens par interphone, promène son petit chien, refuse d'exploiter son invraisemblable destin.

Le 25 janvier 1990, une pneumonie tire un trait sur les fringales d'Ava Gardner, coeur nu, star libertaire, âme subversive, qui aima tant les hommes, l'inconvenance et l'orageux tourbillon du mot «vivre».

Source : L'express, Sophie Grassin

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La célèbre théorie de Chico
17 février 2006

« Faites asseoir un homme une heure à côté d'Ava Gardner, il pensera que ça a duré une minute. Asseyez-le une minute sur un calorifère brûlant, il croira que ça a duré une heure... C'est cela la relativité »

[ marx leonard marks dit chico ] Acteur de cinéma, musicien américain (1886-1961)

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Fabrice
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